Cette pollution qui interdit l’émerveillement aux citadins
Il est là, chaque nuit au-dessus de nos têtes, et tout autour de nous. Il ne nous montre qu’une infime facette de lui, mais il nous laisse la jouissance de le contempler de plusieurs milliers d’années-lumière pour les étoiles les plus massives, de plus de cent-mille années-lumière pour les nuages de Magellan et plus de deux millions d’années-lumière pour la galaxie d’Andromède dont la « collision » avec la Voie Lactée est prévue d’ici à quatre milliards d’années.
Depuis l’aube des civilisations jusqu’à nos jours, l’humanité a toujours été fascinée par l’Univers. Cartographiant le ciel au moyen d’un bestiaire mythologique, étudiant la course des astres et théorisant la place de la Terre dans le grand balai cosmique, les hommes n’ont jamais cessé de méditer à un espace qui nous dépasse et nous a fait naître.
Les musulmans observent les cycles lunaires pour établir la date du ramadan, tandis que le Vatican dispose d’un observatoire et finance des travaux sur l’univers profond.
Selon la théorie du Big-Bang, l’univers observable serait devenu visible il y’a 13,8 Milliards d’années. Mais derrière le Mur de Plank (la partie la plus éloignée de l’univers que l’on puisse détecter avec nos instruments), 300.000 années de temps et d’espace mêlés se seraient écoulés avant la singularité initiale.
Si bien d’autres théories accompagnent celle du Big-Bang, depuis les travaux d’Edwin Hubble, on sait que les galaxies s’éloignent les unes des autres au fil des années, ce qui permet de se poser la question de la forme qu’avait l’univers à ses origines. Plus philosophiquement, donner un point de départ temporel à l’univers, c’est se retrouver face à face avec le néant. Qu’existait-il avant l’univers ? Pourquoi son organisation est si parfaite au point que les particules élémentaires issues de sa naissance, sont suffisamment stables pour engendrer la matière, des planètes et finalement de la vie ?
Les uns voient à l’origine de l’Univers un mystérieux hasard ne découlant d’aucun « dessein intelligent ». Pour ces gens, nous naissons et mourrons sans que notre existence n’ait d’autre sens que celui que nous voulons bien lui donner. Pour d’autres, c’est justement par ce que l’Univers a un commencement et que la vie n’avait quasiment aucune chance de s’auto-organiser spontanément, qu’ils considèrent justement que regarder vers le ciel, c’est tutoyer Dieu droit dans les yeux.
Quoi qu’il en soit, observer les étoiles le soir, est une excellente façon de méditer sur notre fragilité et la furtivité de notre existence. C’est une bonne manière de s’interroger sur soi et sur le sens que nous souhaitons donner à nos vies.
Mais depuis quelques décennies, les lanternes célestes s’éteignent sous les assauts d’une pollution aussi puissante que peu mise à l’index : la pollution lumineuse.
En 2007, on recensait plus de 6,5 Millions de sources lumineuses (essentiellement des lampadaires). Ces derniers réclament la production d’énergie d’un réacteur nucléaire chaque nuit pour fonctionner. Ce sont des centaines de millions d’euros qui sont engloutis en facture énergétique pour mettre en valeur des quartiers, éclairer des rues et des infrastructures routières.
Si évidemment, une partie de cet éclairage public peut être utile pour sécuriser nos déplacements, il est faux de considérer que l’obscurité favorise la criminalité. Sachant que celle-ci intervient y compris dans les endroits éclairés, ce n’est donc pas l’éclairage qui décourage un malhonnête homme. Les solutions à la pollution lumineuse sont assez simples en vérité. Il existe désormais des lampadaires intelligents s’allumant partiellement au passage d’un piéton pour baliser son chemin, et pleinement pour les automobilistes avant de s’éteindre à nouveau. Beaucoup fonctionnent désormais sur les technologies LED qui sont nettement plus durables et moins cher que les traditionnelles lampes à Sodium ou Mercure qui illuminent les villes. L’orientation de l’éclairage a aussi beaucoup d’importance, sachant que les lampadaires les plus polluants sont ceux dits « en forme de boules » qui éclairent autant le ciel que le sol.
Actuellement, tout le nord de la France, le couloir Rhodanien, une grande partie du Grand Ouest et du pourtour Méditerranéen, interdisent à leurs habitants de pouvoir contempler les étoiles. Le Massif Central est au contraire devenue une région privilégiée pour observer le ciel, avec l’Arc Alpin, les Landes et le Béarn, ainsi qu’une partie de la Bourgogne et de la Champagne.
La pollution lumineuse entraîne aussi des difficultés pour nombres d’animaux et d’insectes nocturnes en déstabilisant leurs cycles circadiens et attirant ces derniers dans de véritables pièges de lumière.
Il serait pourtant très facile de résoudre rapidement une grande partie du problème, puisque l’essentiel de l’éclairage public est géré par les communes. Les citoyens peuvent donc aisément faire pression sur leurs conseils municipaux pour demander à ce que des lampes soient progressivement remplacées, des heures d’éclairage sans interruption déterminées, et des lieux ne nécessitant pas d’éclairage mais de simples balises lumineuses à LED établis.
Si en cette froide nuit d’hiver, le temps est clair mais la magnifique constellation d’Orion vous est pratiquement invisible, peut-être faudrait-il demander à votre maire qu’il s’assure que votre droit à contempler l’Univers soit restauré au mieux des possibilités de la commune.