Un tueur d’ombre de plus, ou comment relancer la machine

C’est un fait que bientôt, il y aura plus de noms de Navy Seals, cette crème de soldats tueurs ayant revendiqué avoir personnellement eu dans leur viseur le fantôme le plus recherché au monde que de balles prises par ce dernier dans le buffet (ou dans le citron, les avis divergent). Car au rythme où se déclarent ces gars, ça va finir par faire un peu un concours de tir de fête foraine, cette histoire… sans cadavre. C’est chose facile, avouons-le : sans corps à montrer avec une tête transformée en pâté Hénaff (et « difficilement reconnaissable » avait-on dit à l’époque, ce bel euphémisme qui était plutôt pratique à vrai dire, pour ne rien à avoir à montrer ou tout vouloir manipuler), n’importe qui sachant tenir droit un fusil mitrailleur peut aujourd’hui se revendiquer avoir occis Ben Laden, un soir de printemps, au Pakistan. Ce qui fait déjà une paire de millions d’américains ; à tout bien y penser ! Et le phénomène de foire que vient de dégotter Fox News, chaîne plutôt d’extrême droite américaine, est en ce sens sans surprises. Car comme olibrius, on tient là un bon… et un récidiviste, en prime.
ette fois-ci, à dû se dire Fox News, quitte à occire un mec très connu, autant le faire faire par un gars dont le poitrail n’est plus assez large pour contenir toutes les médailles qui lui ont été décernées : c’est celui qui a été choisi par Fox, justement : à célébrité extrême à farcir de plomb, le collectionneur maximo de breloques s’impose, cela s’entend. Et celui choisi, a le torse en buffet de salon assez large pour exposer toutes les médailles disponibles sur le marché : il en aurait reçu 52, nous dit-on, et pas des moindres, selon son CV (soigneusement balancé par la presse US, c’est à dire sans garantie) ! Maintenant qu’on tient le phénomène (de foire, format Rigoulot), ne reste plus qu’à soigner quelques petits détails de cette troisième version du célèbre raid : combien de balles de tirées, dans la tête ou dans le buffet, dans l’obscurité ou pas… car, il faut bien l’avouer, aucune de ses différentes versions racontées ne s’accorde avec la précédente. Ben Laden, s’il est mort de cette façon, est donc mort… plusieurs fois de suite, ou sous plusieurs scénarios différents ! Il faut dire qu’à force d’en rajouter, la mort présumée de Ben Laden tourne à la mauvaise farce hollywoodienne. C’est à celui qui en rajoutera dans le scénario (l’un d’entre eux, Nicolas Schmidle, le propre fils du responsable du programme de surveillance cybernétique des USA , ici à droite -ça aide !- avait même fait crier « Geronimo » à « son » Marine en train de trucider Ben Laden !).
Car le télescopage des versions enfonce encore plus la version du Pentagone, qui se voulait limpide. Lors de son interview, l’homme du jour de Fox News n’était déjà plus vraiment le tireur déclaré et autoproclamé : « quand je suis allé dans la chambre, et je ne peux pas dire à 100% s’il a été frappé quand je suis allé dans la chambre, il aurait pu l’être », a déclaré O’Neill de Ben Laden. « Il était certainement sur deux pieds et il était définitivement en mouvement. Donc, vous savez, il était là et je parie de mettre dix détecteurs de mensonges sur ce coup-là » : cet homme ment, à l’évidence… mais comme avait menti avant lui Bissonette. « Dans son livre, Bissonette a écrit qu’il était le numéro deux dans la file lorsque les soldats américains sont entrés dans la pièce où Ben Laden était. Bissonette a également dit qu’il avait tiré sur Ben Laden lorsque le chef d’Al-Qaïda était au sol. Cependant, O’Neill a dit qu’il était le second arrivé dans la pièce après un autre de ses collègues qui étaient arrivés les premiers. Il a également dit qu’il avait tué Ben Laden après lui avoir tiré dans la tête à plusieurs reprises »…. Un « tueur qui n’aurait pas tiré en premier, puis l’a fait, et un deuxième qui a tiré alors que Ben Laden aurait déjà été à terre ? Et pourquoi donc cette focalisation sur le second tireur, pour l’un comme pour l’autre ? Que croire d’une équipe dont le leader arrivé en pointe se laisse dépasser par son second, pour ce qui est de tirer… en premier ? C’est grotesque de bout en bout ! Remarquez, on est pas prêt de voir un jour arriver la bonne version : car on y veille, à ce qu’il y en ait aucune. Par un procédé simple : « il n’existe aucun moyen pour qu’O’Neill puisse vraiment prouver que c’est lui qui a donné le coup fatal sur Oussama Ben Laden, sauf si ses camarades attestaient tous eux aussi cette version. Mais encore une fois, le code du secret de ces opérateurs spéciaux empêcherait cela ». En somme, des pékins peuvent continuer à raconter n’importe quoi, puisque les seuls à pouvoir décrire la situation n’ont pas le droit de témoigner : c’est imparable comme rhétorique tordue ! Bref, tout est foutaise depuis le début ! Comme le dit Seymour Hersh ! « C’est un vaste mensonge, il n’y a pas un seul mot de vrai là-dedans ! »
Dans l’incroyable récit écrit sur commande de Schmidle, et passé au scanner des rewriters du Pentagone, il y avait quand même une perle de cachée, qui est passée inaperçue, ou dont les relecteurs du Pentagone n’ont pas perçu la portée. Emporté par sa fougue, voilà en effet qu’il nous avait décrit ce qu’auraient déclaré les épouses présentes (il en comptait alors deux sur place, alors qu’elles auraient dû être trois, si on recoupe toutes les versions de l’événement, comme quoi le Pentagone avait quelques problèmes à faire circuler les infos sur la famille Ben Laden !). Et voici ce qu’elles racontaient, elles et leurs enfants : « le seul parlant couramment l’arabe sur l’équipe d’assaut les a interrogés. Presque tous les enfants étaient âgés de moins de dix ans. Ils semblaient n’avoir aucune idée du haut locataire, autre que c’était « un vieil homme. » Aucune des femmes n’a confirmé que l’homme était bien Ben Laden » (même la plus jeune, censée être sa dernière épouse, celle jouant le rôle de « bouclier » dans les premières versions de l’attaque ?) , « même si l’une d’elle a sans cesse fait allusion à lui comme étant « le cheikh » ».
Ah tiens, ce soir-là c’était un « cheikh ». En blanc, je parie…
(*) Pfarrer avait en tout cas débusqué le propos de Bissonnette, arguant que l’hélicoptère crashé avait encore son rotor principal tournoyant avec la queue déposée sur le mur d’enceinte de l’enceinte, ce qui était impossible !
(**) « Voici comment le plus grand promoteur du drone, Gen.James « Hoss » Cartwright, a conçu le plan, selon Bowden. Les Etats-Unis « attendaient que l’homme vêtu de la shalwar kameez et un bonnet de prière émerge pour son exercice quotidien autour du potager pour lui tirer dessus avec un petit missile tiré depuis un drone. Il faudrait une grande précision, mais l’US Air Force pourrait le faire avec une sorte de drone sniper. Il n’y aurait pas de trou fuùant dans le centre d’Abbottabad, pas de femmes et d’enfants morts, peu de dommages collatéraux, le cas échéant, et il n’y aurait pas de Navy Seals potentiellement morts ou blessés « … un texte laissant entendre qu’il y a en a bien eu, de morts, lors de l’assaut… sans drone ! Bowden est aussi l’auteur de « Black Hawk Down,” la « Chute du faucon noir » le bestseller de 1993 sur la bataille de Mogadiscio, en Somalie devenu ensuite film.
(***) ce que j’ai écris ici aussi sur Ben Laden : « Ben Laden n’étant pas le dernier à trafiquer l’opium, dans les années 90, selon History Commons toujours : « Ben Laden établit et maintient un rôle majeur dans l’opium commerce de la drogue, peu après son arrivée la base de ses opérations en Afghanistan. L’argent de l’opium est essentiel pour garder les talibans au pouvoir et le financement du réseau Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. Un rapport estime que Ben Laden prend jusqu’à 10 pour cent du commerce de la drogue en Afghanistan au début de 1999. Cela lui donne un revenu annuel d’un maximum de 1 milliard de dollars à 6,5 milliards de dollars à 10 dollars de bénéfices annuels provenant de la drogue à l’intérieur de l’Afghanistan. (Financial Times 11/28/2001). Et cela, les américains ne l’ignorent pas ajoute HC : « les États-Unis surveillent le téléphone satellite de Ben Laden depuis 1996 (voir Novembre depuis 1996 Fin Août 1998) ». Un téléphone satellitaire de marque connue et dont s’occupe avec attention la NSA… « Selon un journal, « Ben Laden a été entendu conseiller aux chefs talibans de promouvoir les exportations d’héroïne à l’Ouest. »