Le doute m’habite.

  
De même que l’URSS « demandait » aux médias de ne pas critiquer le Parti et que l’administration Bush avait demandé aux médias de soutenir la guerre contre le terrorisme, le gouvernement Valls, par la voix de Najat Vallaud-Belkacem, demande aux médias hexagonaux de ne pas enquêter sur les nombreuses incohérences de l’affaire Charlie Hebdo, ce afin de ne pas alimenter de funestes théories du complot propres à déstabiliser notre belle jeunesse.
A l’heure où l’enquête devrait au contraire battre son plein, tant dans la presse qu’au sein des services de Police, cette requête de la ministre semble pourtant bien vaine, tant nos organes de presse traditionnels ne se sont à aucun moment sentis autorisés à interpeller les autorités. Ni sur l’impossible trajet des terroristes, ni sur le suicide du commissaire Helric Fredou, ni sur la suppression des écoutes des frères Kouachi, ni sur la rencontre entre Sarkozy et Coulibaly en 2009, ni sur … quelque coïncidence que ce soit.
Bien au contraire, en dignes héritiers de la Pravda, l’ensemble des médias nationaux a courageusement anticipé les attentes du gouvernement, en consacrant des pages entières et d’interminables heures d’antenne au fameux conspirationnisme, dont chacun j’espère commence à sentir que l’unique objet est de diaboliser tout citoyen remettant publiquement en cause une parole officielle.
Las, que n’est-elle entendue (cherchez la contrepèterie*) hors de nos frontières ? Jugez plutôt : voilà que nos amis Québécois ou Belges partent en vrille, la tête la première dans la susdite théorie du complot. A leur décharge, il n’est certes pas évident d’y voir clair dans ce marigot embrumé. A titre d’exemple s’impose ici cette très curieuse affaire de faux reportage de la BBC, qui a été mis en ligne une vingtaine d’heures entre le 11 et le 12 janvier (voir archive consultable), sur une copie bluffante du site de la BBC, avec une adresse enregistrée en décembre que l’on peut pour le moins qualifier de crédible (bbc-news.co.uk), et sur laquelle figure ce reportage plutôt réussi, dans lequel le présentateur affiche un professionnalisme et un accent anglais dignes de Roger Moore himself.
Là où ça devient épique, c’est lorsqu’un article du Monde qui est consacré à cette supercherie nous apprend incidemment que ce faux site était alimenté en vraies infos depuis plusieurs semaines (avant la fusillade, donc), préparant vraisemblablement le terrain pour sa mission ultime : la publication d’une parodie tellement vraie qu’elle en fera tomber plus d’un dans le panneau du discrédit.
On pourra d’ailleurs au passage noter que les dégâts occasionnés auront été rapidement circonscrits, puisque l’article n’aura fait l’objet que de quelques milliers de partages sur les réseaux sociaux. Il ne s’agirait pas non plus de laisser trainer de façon trop ostensible cet outil à double tranchant, qui incite malgré lui à prendre la théorie qu’il expose pour argent comptant.
En effet, le reportage a beau être bidonné, ce qu’il dénonce reste hélas plausible, et on comprend entre les lignes que c’est bien là son unique objet : désamorcer, fut-ce grossièrement par le seul fait de son existence, les velléités d’analyses à l’emporte pièce auxquelles l’opinion serait susceptible d’adhérer.
Pour une meilleure vision d’ensemble, je vous invite à lire cet article canadien, qui fait un tour d’horizon objectif sur l’évolution de la perception de ces évènements par le public. Si la tendance globale semble être à la prise de conscience, les français ont pour leur part du mal à sortir de leur léthargie hypnotique, la majorité d’entre eux ne semblant pas plus choqués que cela à l’idée de sacrifier un peu de leur liberté chérie au profit d’une illusoire sécurité (la force de l’entube cathodique). A l’instar du Point, on pressent les choses, mais on a toujours ce petit retard à l’allumage, si caractéristique de notre auto satisfaction béate.

(* La quenelle étant tendue … Quant à moi, pour citer un humoriste antisémite autorisé, je dirai que le doute m’habite.)

  

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