Une utopie exigeante et enrichissante à la fois : anarchie ? ou…

  

une utopie exigeante et enrichissante à la fois : anarchie ? ou…

(mise à jour d’un billet du 28/05/2012)

Avant-propos, et bases d’une nouvelle donne

Tentons de nous imaginer, au nom de la « fin de la Gauche » telle que le définit Jean-Claude Michéa, une nouvelle donne. Le collectif des Citoyens, d’une façon ou d’une autre, aura enfin mâté le capitalisme (« gros mot » selon les normes imposées par les moyens de communication en ce XXIe siècle encore naissant). Les banquiers et leurs valets prosternés, qu’ils soient politiciens ou communicateurs divers, auront été mis au rancart au nom du « trop, c’est trop ». Le productivisme, aberration en ce temps où enfin une fraction plus importante de la population mondiale s’aperçoit qu’il nous emmenait dans le mur, est remis en question. Les humains s’aperçoivent enfin qu’ils sont en fait fort proches les uns des autres, tous différents (oui, tous, pas deux ne sont identiques), et en même temps tous aussi honorables et dignes d’intérêts les uns que les autres.

Les plus à plaindre sont en fait ceux qui, en raison de frustrations diverses et non formulées, ont besoin de se sentir « au-dessus » d’autres, de commander, d’être « les influents », de posséder Terre, végétaux, animaux, humains. La possession est un terrible travers, dès lors qu’il ne s’agit pas de maîtriser son propre corps. Il est la seule possession « légitime », normale, celle que beaucoup de personnes, malheureusement, peinent à contrôler.2009_10_03_Anar-Chat C’est pourquoi il sera si important, dans les années qui viennent, de s’entraider pour que chacun se sente bien aux commandes se son corps, et une telle remise en cause de ce constat que nombre d’humains « se contrôlent mal » ne peut être que collective et réciproquement bénéfique. Et pour que ce soit vraiment efficace, il sera nécessaire de renforcer cette entraide collective dès le plus jeune âge. Elle accentuera la notion d’égalité entre les personnes. Pour cela bien entendu, le nécessaire encadrement adulte devra s’efforcer non d’imposer les comportements, mais d’inciter chaque enfant à découvrir ses limites le plus tôt possible, en même temps que se développeront ses talents.

Avec pour bases ces deux notions de maîtrise de soi-même, et d’égalité entre les personnes, l’enfant grandissant se retrouvera dans un environnement où personne n’accapare les choses et les gens. Un environnement où enfin, la propriété individuelle n’existe plus. D’ailleurs le terme « individu », applicable par exemple à un cube parmi une série créée par une machine dans le même matériau, est une notion probablement à bannir, au profit de celui de « personne », être à la fois unique, et relié à tous les autres.

Ainsi il ne peut plus y avoir d’êtres qui, au nom de notions fumeuses et peut-être même contradictoires, se placent « au-dessus » d’autres au charisme peut-être différent. Ainsi, il ne peut plus y avoir de personnes que l’on qualifiera « d’au-dessous », même si des différences en capacités physiques ou de jugement apparaissent. Il s’agira seulement, et collectivement, de les épauler davantage afin qu’elles ne soient pas rejetées et qu’elles ne se sentent pas inutiles. Tous auront, quel que soit leur sexe physique ou celui qu’ils « ressentiront » en eux-mêmes, les mêmes droits, les mêmes devoirs aussi.

Cela implique, par rapport au contexte actuel, une grosse remise à plat des structures de la société humaine. Cela implique également, une différence énorme de « besoins ». Si les incitations « publicitaires » n’ont plus cours, la donne est changée au profit de la simple nécessité. Si la propriété individuelle n’existe plus, des appareils que l’on n’utilise pas constamment ni chaque jour pourront sans mal être collectifs, à la fois plus robustes, faits pour durer, et simples.

Chacun aura des tâches à remplir, avec la certitude que ce sera pour le bien de tous ; en retour, chacun aura la certitude qu’il ne sera pas rejeté, même s’il est malade ou handicapé. Droits et devoirs seront ainsi étroitement imbriqués, à condition de mettre fin à la hiérarchie et à la propriété individuelle. Chacun sera un membre d’un TOUT où il aura son mot à dire, sa voix à donner non à des personnes, mais à des projets impliquant des nombres variables de personnes. Ce sera la vraie ANARCHIE en somme, qui n’a aucun rapport avec le désordre.

La nouvelle donne politique : Qui décide ? 

citoyensLe citoyen
Puisque la nouvelle donne est le défi qui se lance ici, tentons de partir de la base. Ce sont les citoyens qui vont former l’ossature d’une société nouvelle, une société où enfin le Pouvoir est à la base, et n’est pas un vœu pieux. Entendons-nous bien, une fois pour toutes : le citoyen est le terme neutre désignant indifféremment les hommes et les femmes, tous égaux en droit, tous différents en fait. N’est pas citoyen le jeune enfant, à qui l’apprentissage de sa citoyenneté prendra de seize à dix-huit ans, selon sa maturité. Il était bon de définir immédiatement ces prémisses, afin d’éviter de les ressortir plus tard. De plein droit le citoyen peut se vêtir, se nourrir, se faire soigner, éduquer, loger, et apporter sa voix, ses avis et sa co-décision à l’assemblée.

Toute personne qui, pour des raisons diverses, est nouvelle dans une communauté, en est citoyenne dès qu’elle a fait connaître à la session de l’assemblée suivant son arrivée sa présence pérenne.

L’assemblée

Le citoyen est membre de droit d’une assemblée, correspondant à un nombre relativement peu élevé de citoyens, soit une cinquantaine à une ou deux centaines de membres. En-deçà, si les circonstances s’y prêtent, cela ne pose pas d’inconvénients. Au-delà en revanche, certains auraient tendance à rester toujours en retrait, et à ne jouer aucun rôle. Il est important que tous se connaissent, ou apprennent à se connaître si arrivent de nouveaux membres pour diverses raisons. Dans cette assemblée, dont la meilleure disposition est le cercle, nul n’est le président de séance attitré, chacun le devient à tour de rôle pour lancer les débats concernant les défis grands et petits de la communauté. De même le secrétariat de séance sera dévolu par consensus à une personne nouvelle à chaque fois, pour conserver toujours le principe d’égalité. Assez vite ce processus deviendra naturel.

La grande assemblée

Assez fréquemment les questions soulevées concerneront des cercles voisins également. Quand arrivera ce cas de figure, l’un des citoyens sera nommé par l’assemblée pour porter la décision du cercle à une Grande Assemblée constituée d’un nombre de délégués qui, pour des raisons d’efficience, ne saurait dépasser une cinquantaine de personnes. Cette Grande Assemblée débattra à son tour et s’efforcera de réaliser une synthèse des décisions des assemblées de base. En cas de vrai dilemme où des contraintes seraient antagonistes et irréconciliables, les délégués seront obligés de revenir rendre compte aux cercles de base, afin qu’ils définissent une nouvelle approche de la question en suspens. Ceci fait, toujours porteurs du même dossier, ils pourront retourner discuter de cette nouvelle approche. A noter que ces délégués ne seront pas choisis pour de nouvelles questions à régler avant que ne revienne leur tour à la base, pour éviter qu’ils ne prennent l’habitude de l’exercice. Si les blocages persistent, l’assemblée de base sera peut-être amenée à nommer un nouveau délégué, sans pour autant incriminer spécifiquement celui qui a tenté de négocier. Il n’y a pas deux situations identiques.

Pour des questions encore plus vastes, la Grande Assemblée nommera à son tour un délégué dans les mêmes conditions, charger de porter ses souhaits, ses contraintes à un Plus Grand Cercle. Ce processus, en théorie, pourrait ainsi de proche en proche finir par concerner l’Humanité tout entière. C’est ainsi que serait en place une vraie démocratie où nul n’est le chef de qui que ce soit. Ce seront toujours, en fait, les citoyens, tous les citoyens concernés qui décideront collectivement de leur sort concernant toutes les questions nouvelles appelant à un débat et à la résolution de celui-ci.

Bien entendu, mais cela va mieux en le disant, un citoyen pourra éventuellement se faire représenter si, exceptionnellement, il ne peut pas être présent physiquement, pour des raisons diverses.

La Nouvelle Donne économique – Qui fait quoi ?

La propriété

Ces citoyens sont-ils propriétaires ? Entendons-nous sur le terme propriétaire. Ils auront le droit à un logement, dont ils ne pourront partir que volontairement, par exemple en raison d’un nombre d’enfants qui grandit, ou au contraire parce que ces enfants étant sortis du cercle familial pour devenir citoyens à leur tour, le logement devient soudain trop grand. Le logement ne sera pas nécessairement « standard », sa grandeur sera fonction du nombre d’habitants, ni trop petit, ni trop grand, avec une certaine souplesse pour éviter le phénomène « cabanes à lapins ». Ce type de possession est donc, selon les termes juridiques, non en « abusus », non en « usus », mais en « fructus ».

maisonLa communauté aura construit ces maisons, elle en aura « l’usus », en aucun cas « l’abusus », elle ne pourra bien entendu ni les vendre, ni en général les détruire. Pour la destruction, celle-ci sera peut-être nécessaire en cas de force majeure (si elle est irrécupérable à la suite d’un incendie par exemple). Par moments, certains de ces logements seront vides, au gré des besoins liés au nombre d’habitants par famille. Ce sera à des habitants de la communauté, à tour de rôle, de veiller au bon état des ces lieux inhabités provisoirement. Ou au contraire, une construction nouvelle devra être envisagée et débattue. Il faut se souvenir qu’une communauté, du fait du cercle qui lui est assujetti, ne pourrait dépasser quelques centaines de personnes.

La communauté possède, par ce fait, les moyens de base pour entretenir les logements. Pour les construire, le plus souvent il lui faudra recourir à des talents extérieurs pour une partie des travaux, correspondant aux compétences que ses membres peuvent ne pas avoir. A charge de revanche à une autre communauté bien entendu.

Les besoins

Cela nous amène à cette question : quels seront les besoins des citoyens ? Ceux que l’état naturel recommande. Le logement, donc, la nourriture, la vêture, l’éducation, la santé. Ces besoins seront couverts par la communauté pour l’essentiel, et par des échanges de bons procédés avec d’autres communautés pour les cas particuliers. Car c’était implicite jusque-là, mais nous le précisons  : la monnaie n’est plus nécessaire. Nul calcul plus ou moins mesquin, nulle tentation de vouloir plus parce qu’on aura pensé donner plus, ou pensé valoir plus.

Les tâches citoyennes

Chacun aura donc chaque jour un certain nombre de tâches variées à accomplir, correspondant à sa contribution à la vie commune. L’une d’elles, importante, ne sera pas pour autant journalière, c’est la participation aux assemblées de décision. Quand on dit participation, c’est dans le sens où chacun pourra apporter un sujet à débattre, quitte éventuellement à se concerter rapidement avant la réunion avec les autres porteurs de suggestions afin de sérier les points de discussion qui peuvent se compléter ou faire double emploi.

Il sera possible d’être exempt de présence, si c’est pour un motif non futile (maladie, déplacement qui ne peut être reporté par exemple). Le citoyen absent se fera représenter par le citoyen de son choix. Si la question, par son importance, doit se traiter selon le vœu de l’assemblée à la Grande Assemblée, le citoyen choisi par la communauté ira, porteur de la délégation unique, jusqu’au lieu de rassemblement prévu dans ces cas-là. Ce sera un honneur pour lui bien entendu. Ce le sera d’autant plus, s’il est à nouveau choisi par la Grande Assemblée pour aller discuter à un cercle plus général encore. Mais la règle sera toujours appliquée : ce dossier réglé, il n’aura le droit d’être à nouveau délégué qu’après tous les autres citoyens. Pas de « professionnel ».

Une autre tâche citoyenne, tout aussi importante, sera de contribuer au bon état des parties communes, rues et bâtiments communs comme le cercle de discussion, s’il est couvert, ou la buanderie commune par exemple. Il faudra bien se mettre dans la tête que toutes les tâches, si elles doivent se faire, sont importantes. Plus ou moins difficiles, plus ou moins attrayantes, requérant plus ou moins de savoir ou de savoir-faire, elles n’en restent pas moins toutes aussi essentielles à la vie en commun : elles peuvent ne considérer directement qu’une ou deux personnes, ou au contraire toute la communauté, voire davantage s’il s’agit d’échanges de bons procédés avec d’autres communautés où la compétence requise à une tâche n’est pas répertoriée.

La production

Dans tout système économique, même exempt de monnaie, d’esprit de lucre, de tendance au productivisme, une place sera malgré tout prise par la conception, la production d’objets nouveaux parce que devenus nécessaires, donc l’extraction éventuelle des éléments de base à la finalisation de ceux-ci (pierre, métal, bois…). Comme la propriété privée est abolie, celui qui invente un nouveau concept en est à jamais le propriétaire intellectuel comme l’attestera l’assemblée, sans pouvoir prétendre pour autant à en retirer des subsides. Cela signifie que si quelqu’un, par ses qualifications, peut être amené à avoir pour tâche de concevoir une chose nouvelle, rien n’empêche son voisin de lui apporter une idée qui peut lui manquer. La tâche n’en sera pas abolie pour autant, c’est toujours celui à qui elle aura été confiée qui en assurera jusqu’au bout la finalisation. Ceci afin de garder une cohérence au projet. Celui-ci, facteur important, devra toujours être réparable par sa conception même. Il sera donc fourni avec les éléments expliquant comment le maintenir en bon état.

La conception terminée, approuvée par la communauté, viendra la phase d’extraction des éléments nécessaires à la construction dudit objet. Par sa situation géographique, une autre communauté sera probablement sollicitée pour fournir bois, métal ou autre matériau de base : elle bénéficiera en retour du produit fini si elle en manifeste le besoin. Les autres communautés pourront également en avoir le bénéfice d’usage, à charge de revanche.

La communauté où un nouvel objet devenu nécessaire aura été conçu sera logiquement prioritaire pour en assurer la fabrication et l’élaboration, puisque le concepteur en sera membre. D’autres membres seront donc déchargés de certaines tâches, pour se consacrer en priorité à ce processus, sous le pilotage du concepteur.

La distribution sera assurée, le plus souvent, par les mêmes qui auront amené les éléments de base, et auront reçu d’autres communautés des demandes. Ne seront fabriqués que les objets demandés, sans constitution de stocks de produits finis, mais avec un certain volant de pièces élaborées entrant dans le produit fini, en vue de la réparation et la maintenance de celui-ci éventuellement. Cette réparation pourra fort bien être effectuée dans la communauté qui aura acquis le produit, quitte à demander au concepteur les pièces un peu complexes qu’il aura stockées, et qui seront malaisées à reconstituer par les acquéreurs.
Les tâches sociales

Une famille est constituée de deux parents, et d’un certain nombre d’enfants dont ces parents sont volontairement ou par le sang responsables. Sont aussi considérés comme des enfants les personnes dont le développement psychique reste indéfiniment embryonnaire.
L’éducation sera bien entendu la première des tâches sociales. Une partie en sera logiquement assurée par les parents, par définition les personnes les plus proches des enfants dès leur naissance. Ces tâches implicites « iront de soi » à partir du moment où deux jeunes auront mis au monde ou pris en main des enfants. Cela fera partie de leur contribution à la communauté.

Bien entendu, des éducateurs auront assez vite la tâche de prendre en main ces enfants, pendant que leurs parents reprendront leurs tâches habituelles. Les parents détermineront à quel moment ils confieront leurs enfants à d’autres, en concertation avec les éducateurs spécialisés mais sans y être contraints, du moins en-dessous d’un âge raisonnable.

Les années d’éducation auront une durée minimale, mais pas vraiment de durée maximale. Les plus doués dans une certaine direction pourront demander à poursuivre leurs études dans celle-ci, et pourront être sollicités de plus en plus au fur et à mesure des années à faire bénéficier la communauté ou ses voisines de leurs connaissances et de leur expérience nouvelles. Pendant ce temps-là, à la différence d’autres, qui auront eu des études plus courtes, ils n’auront pas pour charge dans leurs tâches d’assurer la confection de leur nourriture ou de participer avec autant d’acuité aux tâches communautaires comme l’entretien et le nettoyage des locaux communs. Ces avantages pourront durer ainsi une dizaine d’années supplémentaires, voire plus dans des cas exceptionnels, en contrepartie de leur engagement à être compétents en ingéniérie, en médecine, en pharmacie au service de tous.

Assurés de leur capacité à soigner les autres, sous le pilotage de plus anciens, les nouveaux médecins par exemple deviendront les gardiens de la santé de tous. Responsables de la stricte propreté des locaux où ils seront amenés à officier, ils seront exonérés d’assurer celle des ateliers, voiries, etc… sachant qu’en contrepartie ils seront amenés à être sollicités à n’importe quelle heure en cas d’urgence, donc bien plus souvent que par exemple ceux qui devront dégager des voies d’accès obstruées par des arbres tombés. Ils seront secondés par des infirmiers, aux compétences moins lourdes, mais surtout complémentaires des leurs.

D’autres, plus versatiles dans leur parcours, seront amenés à assurer la convivialité de la communauté, en élaborant des manifestations amenant des personnes plus repliées sur elles-mêmes à mieux participer à la vie commune. Cet aspect de la vie ne sera pas spécifiquement assuré par une « profession » particulière, chacun pouvant fort bien avoir plusieurs « casquettes » en fonction du moment, des circonstances et de la personnalité des intervenants.

D’autres tâches, dites artistiques, seront un « plus » qui sera plus ou moins lié à l’éducation, sachant que certains aspect de l’art demandent une formation spécifique. Mais pas plus qu’il n’y aura de « politiciens professionnels », il n’y aura « d’artistes professionnels ». Ceci pour éviter que certains ne se prennent pour des surdoués.

Restent les tâches d’entretien des parties communes. A part celles, bien spécifiques, des locaux liés directement à la santé, de la responsabilité des compétents en cette matière, tout le reste sera assuré par tous les autres citoyens. Un bon moyen pour que personne ne jette inconsidérément quelque chose par terre, puisqu’il sera amené, ensuite, à le ramasser. Les éventuelles réparations seront l’affaire de tous, dans la mesure de leurs moyens physiques. Certains seront amenés, d’ailleurs, à être provisoirement les coordinateurs de ce genre de tâches. Provisoirement, pour que ne se développe pas la mentalité de « petits chefs ». Et sachant que, pendant qu’ils assureront cela, ils seront moins sollicités physiquement que d’autres.

Une question pourra se poser : et que feront les plus anciens ? Toujours citoyens bien entendu, ils assumeront jusqu’au bout les tâches qu’ils pourront accomplir, ni plus, ni moins, c’est-à-dire pas nécessairement celles qui étaient leur lot des années auparavant. Transmettre leur savoir, leur savoir-faire, leurs trucs, sera important. Accueillir des enfants, jouer avec eux, permettra à la communauté d’être plus unie. Ils ne seront pas parqués ensemble dans des mouroirs trop commodes. Ils continueront à avoir leur place dans les cercles de décision, et d’être éventuellement présidents ou secrétaires de séances, voire délégués quand ce sera leur tour. Et le jour où ils ne pourront plus, une tâche importante sera de fait de venir les assister chaque jour dans des demeures bien centrales, au milieu de tous. Terminés, les lits anonymes d’hôpital où la vie finit au milieu d’une barbarie de tubes et de personnel harassé.

La nouvelle donne sociale : droits et devoirs

La famille

Quand des jeunes deviennent suffisamment autonomes, il peuvent demander à bénéficier d’un logement séparé de celui de leurs parents. Cela est particulièrement vrai, s’ils veulent se mettre à deux pour constituer une nouvelle cellule familiale. Il ne s’agit pas de mariage : il n’a plus de sens, à partir du moment où il ne s’agit plus de considérer le logement comme un lieu définitif. Il n’y a plus à craindre l’expulsion, ni le chômage. C’est simplement une nouvelle vie communautaire qui commence. Ce n’en est pas moins exigeant, bien que sur le mode implicite. Chacun doit aux autres respect, assistance, dès le départ.

Le fait de se mettre en couple, là aussi implicitement, rend probable l’arrivée d’enfants. A ceux-ci, il faudra naturellement assurer nourriture, entretien de la santé, éducation, vêture, et bien entendu le gîte sous le même toit. Réciproquement, les enfants doivent à leur parents respect, aide quand ils sont assez grands, obéissance parce qu’ils n’ont pas encore les éléments de jugement. Rien n’est écrit, tout est implicite, ce qui n’enlève rien à la nécessaire impérativité de ces éléments de vie en commun.

La communauté

Sur le même modèle que la famille, la communauté est le lieu où chacun respecte les autres, et en est respecté. Chacun doit à la communauté l’accomplissement des tâches qui lui auront été assignées de façon plus ou moins explicite selon les circonstances. Il peut s’agir de tâches communautaires habituelles et assumées par tous, de ce qui a été convenu en commun en fonction des talents de chacun, ou de tâches plus spécifiques que le coordinateur du jour aura assignées et suggérées. En retour, chacun peut attendre de la communauté la sécurité du gîte, de la vêture, de la nourriture. La communauté est une famille élargie, sans les liens du sang.

La Grande Communauté

Il s’agit d’un concept beaucoup plus vaste. Il est lié aux cercles concentriques de décision. De cercle en cercle, pour des question bien plus générales, et vitales pour tous, le plus grand cercle peut être amené à recouvrir la Terre entière. Chacun y est relié dans les mêmes proportions que dans des cercles plus restreints. Tous étant égaux, tous étant subtilement différents, chacun apporte sa richesse propre à l’ensemble, sans aucune discrimination, y compris ceux dont l’intelligence est apparemment moins développée que chez d’autres.

Ne seront exclus, par conséquence à leur volonté propre, que ceux qui rejettent les règles communes : les règles communes les rejetteront à leur tour. Ils seront réintégrés s’ils acceptent enfin de partager les avantages et les inconvénients de tous. Toute vie commune a ses avantages et ses inconvénients. Toute vie en marge également.

La nouvelle donne écologique : chacun est un Terrien

La production

Ne sont désormais utilisées que les matières premières dont les communautés ont besoin. En utilisant intelligemment les énergies renouvelables, en évitant de les gaspiller par un transport au loin, des communautés qui retrouvent une vie plus saine et moins dispendieuse de ressources n’ont pas besoin de beaucoup. Les outils, machines, ustensiles, tous réparables, grèvent peu les ressources naturelles. Pas de stocks inutiles de « machins » que l’on produit d’abord, et que l’on tente d’écouler presque de force ensuite.

Les déchets

Les déchets, dans ce nouveau contexte, sont considérablement moins importants. Peu d’émanations nocives, peu de rejets à effet de serre, finis les inutiles emballages multiples, quand on ne peut faire autrement sont totalement privilégiés carton et verre, bois éventuellement. Les eaux usées ne sont le plus souvent que des eaux ménagères, les eaux industrielles entrant pour beaucoup moins dans
la pollution générale.

Les transports

Dans un contexte où il n’y aura plus de grands conglomérats financiers et industriels, les transports seront pour l’essentiel générés par le nécessaire déplacements de certains objets élaborés ici, et demandés là. Il suffira de quelques camions et de chemins de fer reconvertis pour l’essentiel au fret. Et aussi de quelques transports en commun. Quant au transport d’énergie, il sera réduit au minimum par l’utilisation de solutions locales, coûtant bien moins par déperdition sur longues distances.

La réparation des dommages antérieurs

C’est sans doute le poste le plus difficile. Beaucoup de friches industrielles, de décharges plus ou moins sauvages devront petit à petit être reprises et retraitées dans le respect de la politique générale de respect de la nature. Cela demandera beaucoup en temps-homme pour y parvenir, des centaines d’années peut-être. Le plus difficile, et de loin, proviendra des anciennes centrales nucléaires pour lesquelles il n’y a pas de vraies bonnes solutions. La création par l’humain de déchets à longue demi-vie et à nocivité extrême (plutonium par exemple) a un côté irrémédiable, avec des projets qui ne seront que de pâles pis-allers (décharges en galeries profondes, de containers les plus solides et pérennes possibles).

La nouvelle donne juste : quand Thémis retrouve la sérénité

Les fautes dans le cadre familial

En famille, tout se règle dans le consensus. Parce qu’ils n’ont pas tous les éléments pour juger d’une situation où ils ont fait plus ou moins volontairement « des bêtises », les enfants devront se plier à la décision finale des parents. En revanche, il sera nécessaire que les parents prennent le temps d’écouter les remarques des enfants, pour leur éviter la frustration du châtiment apporté sans discussion, et sans compréhension de ses vraies causes. Expliquer, expliquer, même aux enfants tout petits qui ne comprennent pas encore très bien les mots des adultes. Expliquer, mais ne pas lâcher. Ce sera probablement plus facile, si les parents ont par avance une vie sereine, sur laquelle ne planent plus les risques de chômage, de stress, d’ennuis financiers.

Les fautes envers la communauté

A quelqu’un qui aura délibérément désobéi aux règles de la communauté, devra être apportée une réponse adaptée. Cela occasionnera probablement de devoir réunir le cercle de décision, qui statuera non selon des codes rigides, mais au cas par cas. Si la faute est vraiment grave, elle obligera peut-être à mandater dans certains cas un délégué à un cercle plus large, afin de rendre réellement publique la décision finale. S’il s’agit d’un rejet communautaire, la « publicité » apportée à celui-ci est nécessaire. Dans un monde où n’existent plus l’argent et le profit, certaines tentations n’existent plus. Restent la passion et la colère par incompréhension ou abus d’excitants.

Les fautes envers la Grande Communauté
Selon la gravité des faits, le jugement pourra se trouver énoncé par un cercle déjà important, voire la communauté humaine tout entière. L’ostracisme sera alors total, et équivaudra à une condamnation à vie. Le ou les coupables seront par exemple déposés sur une île déserte, d’où ils ne pourront pas sortir. Une telle sanction ne peut bien entendu être que particulièrement exceptionnelle.

Les litiges

Comme il peut y avoir des points litigieux entre membres de la communauté, c’est elle qui tranchera par discussion, et dans un pareil cas elle ne pourra se séparer aussi longtemps qu’au moins les deux tiers ne seront pas d’accord sur la solution à apporter. Cela évitera toute contestation ultérieure, et évitera de perdre du temps en appels successifs.

CONCLUSION

Il s’agit là d’une tentative de « mettre à plat » une nouvelle façon de vivre ensemble. Ce n’est bien entendu qu’une ébauche, perfectible et nécessairement incomplète. Pareille Utopie est indispensable, pour permettre à toute l’humanité de progresser. Elle oblige chacun à être très responsable. Ce n’est pas une vie facile qui est ainsi présentée, mais une vie ensemble qui veut être juste. Une vie où ne sont exclus que ceux qui le veulent.

Il s’agit bien entendu là d’une ébauche, simple matière à réflexion, apte à être amendée, complétée, critiquée : un tel canevas ne pourrait cependant se révéler très contraignant, puisque ce sont les citoyens qui tracent eux-mêmes, collectivement, les règles auxquelles ils décident de se contraindre pour le bien de tous. C’est un peu, et très modestement, le terreau dans lequel une plante se développe selon ses propres critères.

babelouest

  

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